‟ Raconte nous une Histoire „ | ||||||||||||||
&&. Bruz et son Théâtre
À l’époque, les bonnes mœurs exigent alors que ne soient pas mélangés jeunes filles et jeunes hommes, même dans le cadre d’une troupe de théâtre. Ce n’est qu’en 1935 que les troupes mixtes sont autorisées. Trois ans plus tard, c’est jour de liesse pour le théâtre bruzois, qui voit alors se réunir les deux troupes qu’il a enfantées. C’est ainsi, en 1938, que Bruz dispose de sa première troupe de théâtre mixte, qui se produit cependant à l’extérieur (Chartres de Bretagne et Laillé), puisque Bruz n’offre pas encore de structure pouvant accueillir le fruit du travail de la troupe. Elle propose alors tant de la comédie ou du boulevard que de la tragédie, le public exigeant de pleurer (et) de rire. On ajoute aux représentations ce qu’on appelle des intermèdes, ancêtres de nos entractes, qui permettent d’allonger la durée de la représentation et d’optimiser la recette (vente de pâtisseries, de confiseries et de boissons). Dans le bulletin paroissial sont annoncées des « séances récréatives », qui proposent des spectacles relevant davantage de la variété que du théâtre à proprement parler. Le nom de l’auteur n’est alors pas à l’ordre du jour : il n’apparaît que rarement, le matériau (texte) prévalant sur l’œuvre elle-même (historique du texte).
1939. Année noire de l’histoire de France, qui voit débuter le deuxième grand conflit mondial, alors qu’elle déclare, le 3 septembre, l’entrée en guerre contre l’Allemagne et ses alliés. Les esprits sont encore marqués des horreurs de 14-18 et assistent avec inquiétude à la montée en puissance du nationalisme allemand.
7 mai 1944. Date qui est passée inaperçue dans l’ampleur des événements mondiaux. Pourtant, Bruz porte le voile noir du deuil, teinté du sang de ses enfants. Au soir de ce dimanche, la Royale Air Force passe au-dessus du bourg. Les habitants ignorent encore le cauchemar qui s’apprête à refermer ses griffes sur la nuit à venir. Les Anglais, persuadés d’attaquer un point de ralliement allemand, lâchent alors leurs bombes meurtrières qui, en vingt minutes seulement, provoquent un carnage sans précédent. L’Église, où était célébrée une communion solennelle, est détruite, ainsi que de nombreuses maisons alentour. Les premiers arrivés au secours de leurs semblables sont emportés par un second lâché de bombes. En une nuit, Bruz, traumatisée, a perdu le tiers de ses habitants. 1945. La guerre est finie. Les alliés ont renversé les Allemands, qui capitulent le 7 mai. Le jour suivant, les Soviétiques s’inclinent également. Ouf ! Il était temps !
En 1947, la troupe célèbre son baptême : elle porte à présent le nom de la « Ruche Bruzoise » et propose des pièces telles que La mare au diable, 8 hommes derrière les barbelés ou encore L’Arlésienne. Photo de gauche : De gauche à droite à l’arrière : 1- Yvette Olivault; 2- Maurice Leveil; 3- Albert Pestel ;6- Marcel Becdelièvre ; 8- Jean Pestel (dernier à droite)
Composée surtout de jeunes gens, la troupe se produit toujours à l’extérieur, que ce soit à Châteaugiron, Amanlis, Pont-Péan, Maure de Bretagne ou Laillé. Elle survit une dizaine d’années avant de perdre presque tout son souffle au milieu des années 50. Les départs sont de plus en plus nombreux, provoqués par l’appel du service militaire ou la perte d’emploi. En effet, c’est « l’époque des vaches maigres » et deux entreprises bruzoises ferment leurs portes, à savoir Les Ateliers de Bruz et d’Epluches et les Tréfileries de l’Ouest. Ainsi, de 1955 à 1965, le théâtre de Bruz somnole, se réveillant de temps en temps pour solliciter des troupes extérieures.
1965. Le théâtre est mort. Ou presque. Son absence pèse sur les cœurs, aussi bien du public que des comédiens. Certains d’entre eux – et, rendons à César ce qui appartient à César, c’étaient deux femmes – ne comptent pas laisser leur bébé dépérir. Elles font appel à la jeune génération et le train est remis sur les rails. En effet, pour ameuter un public quelque peu ramolli, un groupe musical baptisé « Les Guépards » anime l’avant et l’après représentation théâtrale. L’entracte, quant à lui, reste dévolu à la vente de remontants, afin de ne pas interrompre l’action par un spectacle différent (et, soyons honnêtes, pour la recette un peu quand même !). La troupe de la Ruche Bruzoise joue alors dans une salle de patronage située rue de la Noë à Bruz. Jolie solution que voilà mais – hélas ! – efficace seulement pour un temps bien court ! Même les dons d’un aumônier, l’Abbé Louapre (on ne peut pas tous s’appeler Renard !), n’apportent pas de changement. La somnolence passagère se mue alors en sommeil léthargique. Oui mais voilà, un bébé ne dors jamais bien longtemps (ce serait trop beau !). Dès les années 70, le théâtre bruzois se réveille et se fait entendre, à nouveau par le biais d’un mariage entre théâtre et musique. C’est une chorale dirigée par Joseph Gasnier, appelée Les Ménestrels de l’Amitié, qui s’attelle à la tâche. En 1971 est ainsi proposé un spectacle vivant intitulé « L’homme et la liberté » qui, outre la poésie et la musique Gospel, présente également un passage sur un support cinématographique en super 8.
(article du Ouest-France, datant de 1970) Vous vous demandez sûrement où tout cela va nous mener. Quel rapport avec les fabuleux Compagnons du Vau-Gaillard me direz-vous ? « Patience et longueur du temps font plus que force ni que rage » (quel génie ce La Fontaine !). On y arrive.
1974. Et c’est reparti ! Et cette fois pour un moment. Le théâtre revit et s’impose avec une pièce intitulée Le voyage à Biarritz, dont l’action se situe dans une gare. La SNCF a alors gracieusement (et, soit dit au passage, involontairement) participé aux bruitages, puisque la pièce a été jouée à côté d’une voie ferrée ! 1975. Les voilà vos Compagnons ! Comment les évoquer sans parler de l’histoire dont ils sont les héritiers ? Ils jouent alors Oscar, célèbre pièce de Claude Magnier (1975) et L’atelier de couture, de Grumberg (1987), ainsi que deux spectacles en plein air, Marion du Faouët (1985) et Le ton monte (1989). Que de succès !
M.T. Godet – R.Baudais – Jean Pestel Depuis lors, les Compagnons du Vau-Gaillard se sont toujours bien portés. Alors que Bruz, reconstruite, accueille de plus en plus de nouveaux arrivants, la troupe propose toujours plus de rire et de quiproquos, et ce toujours avec succès. Elle monte un spectacle par an, emprunté à la source inépuisable qu’est le théâtre de boulevard. Elle joue à l’Espace Vau-Gaillard et, depuis 2001, au Grand Logis également. En 2012 a été jouée Ça se corse, de Jean-Pierre Audier, et la troupe n’a recensé pas moins de 1700 spectateurs ! (si, moins en fait, puisque, restons modestes, le chiffre exact est de 1693).
En 2015, alors qu’ils préparent activement une nouvelle pièce de Christian Rossignol intitulée Colonel Betty, les Compagnons reçoivent une demande inhabituelle… La troupe des Croquignols les invite à venir jouer sur les planches de leur ville, à savoir Taupont, dans le Morbihan. C’est malheureusement à leur tour de voir leur théâtre peiner et ils demandent donc un coup de main pour donner un nouveau souffle à leur scène et rameuter leur public, le temps de se remettre en selle. Hauts les coeurs camarades ! Les Compagnons décident de relever le défi et se déplacent donc jusqu’à Taupont pour deux représentations. Cela demande toute une organisation, car ce n’est pas une mince affaire d’embarquer tout le matériel et les accessoires, sans parler des décors ! Depuis, les Croquignols ont réinvesti leurs planches avec succès et talent et réjouissent tous les ans leur public d’une pièce aussi savoureuse que distrayante ! En 2017, les Compagnons décident de relever un nouveau défi. C’est un virage à 180° qu’ils effectuent en choisissant la pièce Macadam Palace, d’Yves Le Borgne. Ils abandonnent pour un temps leur cher vaudeville pour un registre différent, la comédie dramatique. Au-delà du rire se cache alors un message d’espoir, une réflexion sur la société, ce à quoi le public fidèle des Compagnons n’est pas habitué. De même, les petits salons bourgeois habituels se transforment en bouche de métro dans laquelle se sont installés une troupe de clochards pour passer la soirée de Noël à l’abri. Univers invisible là encore peu familier du public… Encore un joli succès à l’actif des Compagnons ! 2017 est décidément l’année des nouveautés, car c’est la première fois que les spectateurs peuvent réserver leur billet à l’avance, sur Internet ou au café de l’Horloge, qui apporte gracieusement son soutien à la troupe. Il faut vivre avec son temps, n’est-ce pas ? Cependant, pour ne pas tout bouleverser à la fois dans les habitudes de leur cher public, les Compagnons optent tout de même pour laisser une partie des billets à acheter sur place. On ne se refait pas ! Chapeau bas et merci aux braves internautes qui auront eu le courage de lire cet article dans son intégralité. Longue vie aux Compagnons !
Théâtralement vôtre, Les Compagnons du Vau-Gaillard.
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